• "La plupart du temps, les habitants de Berlewaag éprouvaient quelques lourdeurs au cours d'un bon repas; il n'en fut pas ainsi ce soir-là. Les convives se sentaient devenir de plus en plus légers, légers matériellement, et légers de cœur au fur et à mesure qu'ils mangeaient et buvaient. Inutile à présent de rappeler les uns aux autres le serment qu'ils avaient fait. Ils comprenaient que ce n'est pas en oubliant le manger et le boire, mais en ayant complètement renoncé à l'idée de boire et de manger, que l'homme mange et boit dans un juste état d'esprit."
    ( Extrait - Le Festin de Babette - Karen Blixen) 








    © voyelle


    Assise sur la planche à hacher de la cuisine, Babette était entourée de plus de casseroles, de plus de poêles à frire, noircies et graisseuses, que ses patronnes n'en avaient vu de leur vie. Elle était pâle et avait l'air mortellement épuisée, comme le jour de son arrivée, quand elle s'était évanouie sur le seuil de la porte. Après un long moment de silence, elle regarda Martine et Philippa bien en face et dit:
    - Autrefois, j'étais cuisinière au Café anglais.
    Martine dit encore:
    - Tout le monde a été d'avis que ce dîner était charmant; et comme Babette ne répondait pas, elle poursuivit: «Nous nous souviendrons tous de cette soirée quand vous serez rentrée à Paris, Babette.»
    (Extrait -le Festin de Babette- Karen Blixen)


    votre commentaire


  • © voyelle


                                                 ( Extrait "Best Love Rosie"  ) 

    (...) J'ai allumé la lampe à pétrole. Il restait environ quarante minutes d'autonomie à mon ordinateur ; j'en ai profité pour taper une "pensée" sur ma nouvelle table. La chienne s'était réfugiée dans l'ombre des marches. Elle se tenait assise, yeux ouverts et brillants, mais elle ne bougeait pas et je l'ai laissée en paix.

    Pensée n°8 : les animaux

    Peut-être n'y a-t-il personne pour rendre son amour à votre coeur aimant. Ou peut-être votre coeur lui même est-il devenu, au fil du temps, moins confiant et expansif qu'autrefois. 
       Mais on oublie combien aimer est difficile en admirant les animaux, en leur souriant en louant l'inventivité de la nature pour des couleurs si riches, des robes si soyeuses, des fourrures si douces, des yeux si luisants, des mouvements si gracieux, des élans si spontanés, un instinct si sûr, une telle richesse de personnalité. D'emblée, on aime les animaux tels qu'ils sont, sans songer à vouloir les changer.
       Sentez votre coeur s'ouvrir lorsqu'un être sans défense remet son sort entre vos mains - qu'il soit chien, chat, perroquet, tortue ou vieux cheval. Un amour naît alors, si désintéressé, si attentif à l'altérité de l'autre, que celui des hommes peut nous sembler grossier en comparaison. 

       Les animaux sont un don de la création à l'être humain
       (155 mots)

    J'enverrais ça de Milbay dans la matinée (...)


    © voyelle


    1 commentaire
  •                 
                          © voyelle


    (...) M. Seguin n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres. Il les perdait toutes de la même façon : Un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C'était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.

    Le brave M. Seguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait : - C'est fini ; Les chèvres s'ennuient chez moi, je n'en garderai pas une.
    Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième ; seulement cette fois il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu'elle s'habitue mieux à demeurer chez lui.

    Ah ! qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin. Qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! et puis docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle ; Un amour de petite chèvre.

    M. Seguin avait derrière sa maison un clos entouré d'aubépines. C'est-là qu'il mit sa nouvelle pensionnaire. Il l'attacha à un pieu au plus bel endroit du pré, en ayant soin de lui laisser beaucoup de corde, et de temps en temps il venait voir si elle était bien. La chèvre se trouvait très heureuse et broutait l'herbe de si bon coeur que M. Seguin était ravi.

    - Enfin, pensait le pauvre homme, en voilà une qui ne s'ennuiera pas chez moi !
    M. Seguin se trompait, sa chèvre s'ennuya.
    Un jour, elle se dit en regardant la montagne :
    - Comme on doit être bien là-haut ! Quel plaisir de gambader dans la bruyère, sans cette maudite longe qui vous écorche le cou... C'est bon pour l'âne ou pour le boeuf de brouter dans un clos !... Les chèvres, il leur faut du large...

                                   Extrait "La chèvre de Monseur Seguin" Alphonse Daudet


    votre commentaire

  • © voyelle



                                                             Acte I, scène première " Le Misanthrope " de Molière


    ALCESTE
    Je ne me moque point,
    Et je vais n'épargner personne sur ce point.
    Mes yeux sont trop blessés; et la cour, et la ville

    Ne m'offrent rien qu'objets à m'échauffer la bile:
    J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond,
    Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font;
    Je ne trouve, partout, que lâche flatterie,
    Qu'injustice, intérêt, trahison, fourberie;

    Je n'y puis plus tenir, j'enrage, et mon dessein
    Est de rompre en visière à tout le genre humain.


    PHILINTE

    Ce chagrin philosophe est un peu trop sauvage,
    Je ris des noirs accès où je vous envisage;
    Et crois voir, en nous deux, sous mêmes soins nourris,

    Ces deux frères que peint l'Ecole des maris,
    Dont...


    ALCESTE
    Mon Dieu, laissons-là vos comparaisons fades.

    PHILINTE

    Non, tout de bon, quittez toutes ces incartades,
    Le monde, par vos soins, ne se changera pas;
    Et puisque la franchise a, pour vous, tant d'appas,

    Je vous dirai tout franc, que cette maladie,
    Partout où vous allez, donne la comédie,
    Et qu'un si grand courroux contre les mœurs du temps,
    Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.


    ALCESTE

    Tant mieux, morbleu, tant mieux, c'est ce que je demande,

    Ce m'est un fort bon signe, et ma joie en est grande:
    Tous les hommes me sont, à tel point, odieux,
    Que je serais fâché d'être sage à leurs yeux.


    PHILINTE

    Vous voulez un grand mal à la nature humaine!


    ALCESTE

    Oui! j'ai conçu pour elle, une effroyable haine.


    PHILINTE

    Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
    Seront enveloppés dans cette aversion?
    Encor, en est-il bien, dans le siècle où nous sommes...


    ALCESTE

    Non, elle est générale, et je hais tous les hommes:
    Les uns, parce qu'ils sont méchants, et malfaisants;

    Et les autres, pour être aux méchants, complaisants,
    Et n'avoir pas, pour eux, ces haines vigoureuses
    Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
    De cette complaisance, on voit l'injuste excès,
    Pour le franc scélérat avec qui j'ai procès;

    Au travers de son masque, on voit à plein le traître,
    Partout, il est connu pour tout ce qu'il peut être;
    Et ses roulements d'yeux, et son ton radouci,
    N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici.
    On sait que ce pied plat, digne qu'on le confonde,

    Par de sales emplois, s'est poussé dans le monde:
    Et, que, par eux, son sort, de splendeur revêtu,
    Fait gronder le mérite, et rougir la vertu.
    Quelques titres honteux qu'en tous lieux on lui donne,
    Son misérable honneur ne voit, pour lui, personne:

    Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
    Tout le monde en convient, et nul n'y contredit.
    Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue,
    On l'accueille, on lui rit; partout, il s'insinue;
    Et s'il est, par la brigue, un rang à disputer,

    Sur le plus honnête homme, on le voit l'emporter.
    Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures,
    De voir qu'avec le vice on garde des mesures;
    Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
    De fuir, dans un désert, l'approche des humains (...)
     

                                                                                 


    1 commentaire


  • © voyelle


    (...) « Je me demande si je vais traverser la terre d’un bout à l’autre ! Cela sera rudement drôle d’arriver au milieu de ces gens qui marchent la tête en bas ! On les appelle les Antipattes, je crois — (cette fois, elle fut tout heureuse de ce qu’il n’y eût personne pour écouter, car il lui sembla que ce n’était pas du tout le mot qu’il fallait) — mais, je serai alors obligée de leur demander quel est le nom du pays, bien sûr. S’il vous plaît, madame, suis-je en Nouvelle-Zélande ou en Australie ? (et elle essaya de faire la révérence tout en parlant — imaginez ce que peut être la révérence pendant qu’on tombe dans le vide ! Croyez-vous que vous en seriez capable ? ) Et la dame pensera que je suis une petite fille ignorante ! Non, il vaudra mieux ne rien demander ; peut-être que je verrai le nom écrit quelque part. »

    Plus bas, encore plus bas, toujours plus bas. Comme il n’y avait rien d’autre à faire, Alice se remit bientôt à parler. « Je vais beaucoup manquer à Dinah ce soir, j’en ai bien peur ! (Dinah était sa chatte.) J’espère qu’on pensera à lui donner sa soucoupe de lait à l’heure du thé. Ma chère Dinah, comme je voudrais t’avoir ici avec moi ! Il n’y a pas de souris dans l’air, je le crains fort, mais tu pourrais attraper une chauve-souris, et cela, vois-tu, cela ressemble beaucoup à une souris. Mais est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Je me le demande. » A ce moment, Alice commença à se sentir toute somnolente, et elle se mit à répéter, comme si elle rêvait : « Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? » et parfois : « Est-ce que les chauves-souris mangent les chats ? » car, voyez-vous, comme elle était incapable de répondre à aucune des deux questions, peu importait qu’elle posât l’une ou l’autre. Elle sentit qu’elle s’endormait pour de bon, et elle venait de commencer à rêver qu’elle marchait avec Dinah, la main dans la patte, en lui demandant très sérieusement : « Allons, Dinah, dis-moi la vérité : as-tu jamais mangé une chauve-souris ? » quand, brusquement, patatras ! elle atterrit sur un tas de branchages et de feuilles mortes, et sa chute prit fin.

    Alice ne s’était pas fait le moindre mal, et fut sur pied en un moment ; elle leva les yeux, mais tout était noir au-dessus de sa tête. Devant elle s’étendait un autre couloir où elle vit le Lapin Blanc en train de courir à toute vitesse. Il n’y avait pas un instant à perdre : voilà notre Alice partie, rapide comme le vent. Elle eut juste le temps d’entendre le Lapin dire, en tournant un coin : « Par mes oreilles et mes moustaches, comme il se fait tard ! » Elle tourna le coin à son tour, très peu de temps après lui, mais, quand elle l’eut tourné, le Lapin avait disparu. Elle se trouvait à présent dans une longue salle basse éclairée par une rangée de lampes accrochées au plafond.

    Il y avait plusieurs portes autour de la salle, mais elles étaient toutes fermées à clé ; quand Alice eut marché d’abord dans un sens, puis dans l’autre, en essayant de les ouvrir une par une, elle s’en alla tristement vers le milieu de la pièce, en se demandant comment elle pourrait bien faire pour en sortir.

    Brusquement, elle se trouva près d’une petite table à trois pieds, entièrement faite de verre massif, sur laquelle il y avait une minuscule clé d’or, et Alice pensa aussitôt que cette clé pouvait fort bien ouvrir l’une des portes de la salle. Hélas ! soit que les serrures fussent trop larges, soit que la clé fût trop petite, aucune porte ne voulut s’ouvrir. Néanmoins, la deuxième fois qu’Alice fit le tour de la pièce, elle découvrit une petite porte haute de quarante centimètres environ : elle essaya d’introduire la petite clé d’or dans la serrure, et elle fut ravie de constater qu’elle s’y adaptait parfaitement !...

     
                                                                                       "Alice aux pays des merveilles - Lewis Caroll


    votre commentaire
  •                   
                       © voyelle

    « La reine possédait un miroir magique, don d’une fée, qui répondait à toutes les questions. Chaque matin, tandis que la reine se coiffait, elle lui demandait :
    – Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle. Et, invariablement, le miroir répondait :
    – En cherchant à la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus belle que toi. »

    « La reine croyait être de nouveau la plus belle femme du monde. Un jour, elle voulut se le faire confirmer par son miroir. Le miroir répondit :
    – Reine, tu étais la plus belle, mais Blanche neige au pays des sept nains, au-delà des monts, bien loin, est aujourd’hui une merveille.
    La reine savait que son miroir ne mentait pas. Furieuse, elle comprit que le garde l’avait trompée et que Blanche neige vivait encore.»

    ( d'après Blanche-neige, Les frères Grimm)


    votre commentaire