• "La source" de Anne-Marie Garat

    La Source

    Anne-marie Garat , l'ensorceleuse ! De sa belle plume, elle capture le lecteur et projette de belles prises de vues. ça foisonne de belles descriptions campagnardes qui sentent bon le sapin et l'humus.

    Une lecture qui ne laisserait pas indifférent les randonneurs. Et il y a l'histoire...le travail de mémoire, de recherche qui en découle, avec les secrets, les mensonges, les drames. Les fantômes du passé ne semblent jamais avoir quitté le présent. La narratrice nous transmet l'histoire de Lottie, ça coule aisément dans de longues phrases envoutantes. Et pour bien raconter une histoire, le mieux est de remonter à sa source. Mais où se cache vraiment la vérité dans une histoire ?  Comment transmettre l'histoire sans changer son cours ? La confiance et la complicité sont les deux ingrédients nécessaires pour laisser échapper les mots à tout vent. Tout comme la narratrice, on écoute Lottie, avec curiosité et perplexité,  nous parler de sa vie et celle de la demeure qu'elle n'a jamais quitté depuis qu'elle est entrée comme bonne enfant...avec une agréable impression de faire partie du décor.

    " (...) Tout cela m'assaillait assez pour que je ne retrouve pas le sommeil et que me revienne ce que m'avait raconté Lottie tandis que l'ensorcellement du feu libérait mon corps de fatigue, l'allégeait jusqu'à ce que je le quitte telle une cosse vide et la rejoigne dans l'espace et le temps de son récit car, disait-elle, on ne sait où commencent les histoires, à quelle source elles prennent leur origine, c'est pourquoi on n'a guère que le choix d'entrer dans leurs cours au moment qui semble le plus propice, de s'y risquer comme on pénètre dans l'eau fuyante venue d'ailleurs et glissant à sa pente, se laissant emporter parfois, mais surtout luttant à contre-courant pour remonter les pas et les sauts qu'elle a franchis, les bassins versants où elle s'est attardée et avant cela les appartements souterrains de grottes et de retraits dont elle est issue, où elle s'est d'abord écoulée goutte à goutte avant de se déverser au plein air, tout endormie que vous êtes peut-être me suivrez-vous à cette époque où, enfant, je m'introduisais dans le domaine ni vue ni connue pour épier à leur insu la vie qu'y menaient ses habitants. "

    C'est franchement plaisant de se retrouver dans une vieille demeure où rien n'a changé depuis des lustres, d'être assise près d'un feu de cheminée avec une bonne tisane et d'écouter la "récitante des fantômes". Belle découverte de l'auteur que voilà !

    La Source

    Editions Actes Sud -2015

    Quatrième de couverture :  Venue au Mauduit, petit village de Franche-Comté, au motif officiel d’obtenir de la mairie l’autorisation, pour ses étudiants en sociologie, de consulter les archives communales de cette si banale petite bourgade française, la narratrice, hantée par la sombre énigme de son propre passé familial, ignore qu’elle va y faire une rencontre décisive en la personne de Lottie, solide et intimidante nonagénaire, désormais seule occupante de la vaste demeure des Ardenne, construction aussi baroque qu’extravagante édifiée sur des terres de mauvaise assise dans un méandre de la rivière qui coule en contrebas du bourg.
    Soir après soir, la vieille dame qui, faute d’hôtel au village, accepte de loger la visiteuse, dévide pour elle l’histoire du domaine où elle est entrée comme bonne d’enfant à l’orée du xxe siècle. Mais faut-il la croire sur parole, elle qui dit n’être que la récitante des fantômes qui ont jadis habité ces murs, ou sont partis vers l’Afrique, le Tonkin ou les forêts du Yukon ? Et que faire du récit de cette conteuse acharnée qui, sans avoir jamais quitté sa campagne, rêve peut-être à haute voix quelque exotique roman de la filiation dont elle contraint la narratrice à devenir la dépositaire ?
    Où les histoires prennent-elles source et où vont-elles une fois racontées ? La narratrice, écoutant la vieille Lottie, devine-t-elle en quoi celle-ci va éclairer son propre destin ? Car les récits ni les contes ne sont d’inoffensives machines et leurs puissants sortilèges s’entendent à recomposer jusqu’à la matière même du temps.

    “Au départ serait le domaine des Ardenne, une maison d’ombre bâtie sur de mauvaises terres au fond d’un vallon, près d’une rivière. La très vieille Lottie y accueillerait un soir ma narratrice, mais cela ne commence pas là. Au départ, ce serait un jour d’août 1904 où Lottie enfant a vu, comme un signal du monde parallèle, passer sur le chemin une créature à deux têtes, et des nuages, pareils à ceux d’une lointaine vallée du Klondike.

    Mais faut-il croire sur parole cette récitante, randonneuse de pages et arpenteuse d’Atlas, qui dévore les livres de la bibliothèque ; sait-elle où naissent les histoires ? Au long des veillées près de sa cheminée, sa visiteuse l’écoute. Peutêtre est-elle venue chercher quelqu’un d’oublié dans les archives et au cimetière du bourg, son père ou un jeune homme assassiné, mais il est déjà trop tard : les fantômes du passé et de l’avenir rappliquent, leur destin s’intrique au sien car, dit Lottie, même écrit sur du vent, c’est le récit qui l’emporte.

    Pourtant, rien ne coule de source ni dans le bon sens, comme le feraient croire la petite nymphe en bronze d’un encrier, la photo enneigée d’une cabane en rondins ou le camée volé à une morte aux yeux exorbités : non, cela ne commence pas là. Plutôt en Afrique ou au Tonkin, au fond d’un coffre à jouets, dans un conte des forêts, inventé par amour d’une orpheline ; ou dans les lettres d’un infirme par sa faute, qui se fit prospecteur de la langue inconnue en laquelle les hommes se parlent…

    Des uns aux autres, j’écoute voyager le récit mais est-ce une fin ou un commencement ?’’

    A.-M. G

     


  • Commentaires

    1
    Vendredi 19 Février 2016 à 18:39
    Aifelle

    J'avais beaucoup aimé "l'enfant des ténèbres" d'elle, moins les suivants. Celui-ci me tente bien, avec cette histoire de maison.

    2
    Vendredi 19 Février 2016 à 18:43
    Ah.... une histoire de maison ....ça me parle tellement.... je prends note de ce bouquin! Merci !
    3
    Vendredi 19 Février 2016 à 19:03
    Couleur-Parenthèse

    Les histoires.... Personne ou personna? Du personnage, de la fiction au réel de notre vie et de notre identité profonde, Ne sommes-nous pas manipulés? Attention aux histoires même très belles qui nous éloigneraient de notre humanité, ou nous défigureraient jusqu'à nous dérober notre vie!

    Bise du soir ma Vallia!  biggrin!

    4
    Mouchette
    Samedi 27 Février 2016 à 11:01

    Voilà une lecture qui m'intrigue. Je vais vite noter le titre du livre ma Voyelle.

    Généralement, les lectures qui te font voyager m'emportent aussi.

    Passe un bon week end.

    Je t'embrasse.

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    5
    Mardi 8 Mars 2016 à 18:23
    chiffonsandco

    un peu mystérieux, ce livre, non?arf



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