• "Naufrages" de Akira Yoshimura

    est un conte philosophique...certes...mais si proche d'une cruelle réalité. Ce livre qui m'a été offert par monsieur Voyelle m'a laissé des frissons dans le dos, une lecture sombre où les sentiments n'ont pas leur place.

    Une tragique destinée de toute une communauté vivant dans un petit village japonais surpomblant la mer où  le combat pour survivre est le quotidien.  Au rythme des saisons et dans l'espoir de pêches miraculeuses pouvant assurer une existence paisible mais certainement pas luxueuse, Akira Yoshimura de sa plume talentueuse et authentique te plonge dans le primitif de l'être humain face à l'hostilité d'une nature qui lui fait défaut.

     

    Magnifique lecture ! merci m'amouuuuur !

     

    9782742746514

     Editions Babel  - 2004

    Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle

     

    4ème de couverture

    Dans un village isolé entre mer et montagne, une petite communauté tente d’échapper à la misère en entretenant d’étranges coutumes. Isaku n’a que neuf ans lorsque son père part se louer dans un bourg au-delà de la montagne. Devenu d’emblée chef de famille, Isaku se voit attribuer une responsabilité dont il ne peut imaginer les conséquences. Une tempête s’annonçant cette nuit-là, d’immenses feux sont allumés sur la plage. Chargé de surveiller ce rite ancestral, Isaku va assister à l’arrivée d’un navire qui, ayant repéré les feux depuis le large, s’approche de la plage pour échapper au naufrage. Mais une barre rocheuse déchire la mer aux abords du village, et le piège se referme sur ce bateau qui, sous les yeux horrifiés de l’enfant, sombre en offrant à la communauté sa précieuse cargaison. A travers ce récit envoûtant et cruel, Akira Yoshimura évoque la violence presque primitive d’une communauté villageoise totalement isolée dans un Japon hors du temps. S’appuyant sur le cycle des saisons, il décrit les conséquences de cet enfermement sur le destin d’un enfant dont la naïveté ne peut engendrer la révolte ni quelque autre forme de jugement face à la misère.

     

    EXTRAIT

    De vieux capuchons de paille flottaient çà et là dans les premières vagues. Quand les rouleaux s’écrasaient sur les récifs au loin sur la côte, l’écume arrivait par vagues successives aux pieds d’Isaku et la mer se cambrait pour venir s’écraser contre les rochers.

    Il pleuvait et la surface de la mer fumait. Des gouttes de pluie mêlées d’écume passaient à travers les trous de sa capuche. La côte rocheuse était bordée d’une mince étendue de sable où venaient s’échouer les épaves.

    Isaku attendit que la mer se retire pour s’avancer et attraper un morceau de bois coincé entre les rochers. Il était courbe et portait des marques de clous. C’était un peu lourd, il n’avait que neuf ans, mais il prit appui sur le rocher et tira du mieux qu’il put, si bien qu’il réussit à le faire glisser.

    Une vague approcha dans un bouillonnement d’écume, d’un bond il recula sur le rivage. Il l’entendit s’écraser derrière lui, tandis qu’un paquet de mer l’éclaboussait avec fracas. Puis elle se retira, et il avança à nouveau pour tendre la main vers le morceau de bois.

    L’épave se rapprochait peu à peu et bientôt, portée par une vague plus puissante, elle vint s’échouer sur le rivage. Il s’y cramponna pour la retenir.

    Agrippé à une aspérité, il la tira hors de l’eau et l’emporta au village.

    D’autres villageois chargés de bois quittaient la plage pour prendre le chemin du village. Le morceau qu’Isaku avait ramassé semblait plus imposant et plus dur. S’il avait pu le rapporter chez lui, il en aurait fait une belle bûche, aussi était-il un peu déçu de devoir le donner pour l’incinération.

    En arrivant sur le chemin, il vit une femme sortir de la maison du mort, et venir vers lui pour l’aider à transporter l’épave à l’intérieur. Ils l’abandonnèrent dans l’entrée de terre battue où d’autres morceaux gisaient pêle-mêle.

    Isaku défit le lien de son capuchon, s’assit sur le bois et regarda autour de lui. Le mort, un homme de plus de cinquante ans du nom de Kinzo, était nu, simplement couvert d’un linge autour des reins. Après une mauvaise chute, il s’était couché, et depuis quelques jours sa famille ne lui donnait plus que de l’eau. On n’avait pas l’habitude au village de nourrir les mourants.

    Le corps, placé en position assise avec les genoux repliés avait été attaché avec une corde au pilier central. Les os ressortaient sous la peau, et le ventre, anormalement gonflé, semblait dur. La tête penchait légèrement en avant, et on avait déposé sur le petit chignon de cheveux blancs un talisman fait de tiges de chanvre séché tressées en croix, afin d’écarter les mauvais esprits.

    La mère d’Isaku essuyait le cercueil posé sur le sol. L’enfant sentait l’odeur de la soupe de riz offerte par les villageois qui cuisait sur le feu.

    Sans doute pleuvait-il très fort, car il ne percevait plus le ressac et le bruit de la pluie emplissait la maison.

    Il avait les yeux fixés sur les mains de la femme qui brassait le contenu de la marmite avec une spatule.

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 17 Janvier 2011 à 01:32
    Armide+Pistol

    La lutte contre la nature est féroce et j'imagine de désarroi de ceux qui en sont les victimes. 

    La lutte contre un système financier qui vous floue ne vous met plus en situation de combattant. C'est encore pire !

    2
    Val
    Lundi 17 Janvier 2011 à 13:08
    Val

    Une petite perle comme je les aimes :o)

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    3
    Lundi 17 Janvier 2011 à 14:11
    Aifelle

    Je l'ai noté, j'en ai déjà entendu beaucoup de bien par ailleurs.



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