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Ouragan
J'ai mis du temps à vous en parler...normal ! J'attendai de rencontrer l'auteur lors d'une lecture qui était prévue le 19 octobre à la librairie "La Galerne" du Havre. Rendez-vous manqué !!! argh !!! cause de grève ! tant pixxxxx !!! ce n'est que partie remise...j'y crois !!!
J'aime énormément Laurent Gaudé et ce depuis la lecture " Le soleil des Scorta". J'ai lu tous ses romans et pratiquement l'intégralité de ses textes de théâtre. J'aime la densité de son écriture, la profondeur de ses personnages, ses décors peuplés d'images symboliques et apocalyptiques. J'aime son exploration de la noirceur et de la beauté de l'âme humaine.
Nous nous souvenons avec émotion de l'ouragan Katrina qui a frappé la Louisiane en 2005 et plus encore de cette femme noire âgée qui porte en étole une couverture à l'éffigie du drapeau américain. Laurent Gaudé s'en est inspiré pour le personnage principal de son roman.
"Ouragan" est un récit séquencé où les personnages monologuent tour à tour sur un rythme incantatoire, leurs mots résonnent et percutent de plein fouet. Il y a Joséphine Linc. Steelson, "négresse" centenaire qui porte à elle seule toute l'histoire du peuple noir américain, Keanu qui fuit l'enfer des plates-formes pétrolières, Rose, femme célibataire et paumée qui vit avec son petit garçon plongé dans un mutisme dont on ne connaîtra pas la cause, un révérend qui perd la raison face à l'impensable, Buckeley, un taulard qui parvient in extremis avec d'autres détenus à s'enfuir de la prison abandonnée par leurs gardiens. Et puis il y a les alligators qui sortent des bayous. Ils avançent comme une armée vengeresse et envahissent la ville submergée par les eaux.
La colère, la peur, la haine, la solitude, ses sentiments éprouvés par les personnages s'amplifient au même rythme que la croissance d'un vent dévastateur. La volonté de survivre ne sauvera pas toutes les âmes perdues.
Laurent Gaudé possède le talent d'un dramaturge remarqué et remarquable. J'ai déjà hâte de lire sa prochaine oeuvre littéraire...Roman ?! Théâtre ?! J'aimerai bien le savoir...SOUPIR !!!!
Editions Actes sud - 2010
Le point de vue des éditeurs
A La Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée, la plupart des habitants fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partir devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-t-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissous dans la peur ? Seul dans sa voiture, Keanu fonce vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissée derrière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence... Dans un saisissant décor d'apocalypse, Laurent Gaudé met en scène une dizaine de personnages qui se croisent ou se rencontrent. Leurs voix montent collectivement en un ample choral qui résonne comme le cri de la ville abandonnée à son sort. Roman ambitieux à l'écriture empathique et incantatoire, Ouragan mêle la gravité de la tragédie à la douceur bienfaisante de la fable pour exalter la fidélité, la fraternité, et l'émouvante beauté de ceux qui restent debout.
LES PREMIERES LIGNES
Moi, Josephine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans, j'ai ouvert la fenêtre ce matin, à l'heure où les autres dorment encore, j'ai humé l'air et j'ai dit : "Ça sent la chienne." Dieu sait que j'en ai vu des petites et des vicieuses, mais celle-là, j'ai dit, elle dépasse toutes les autres, c'est une sacrée garce qui vient et les bayous vont bientôt se mettre à clapoter comme des flaques d'eau à l'approche du train. C'était bien avant qu'ils n'en parlent à la télévision, bien avant que les culs blancs ne s'agitent et ne nous disent à nous, vieilles négresses fatiguées, comment nous devions agir. Alors j'ai fait une vilaine moue avec ma bouche fripée de ne plus avoir embrassé personne depuis longtemps, j'ai regretté que Marley m'ait laissée veuve sans quoi je lui aurais dit de nous servir deux verres de liqueur - tout matin que nous soyons - pour profiter de nos derniers instants avant qu'elle ne soit sur nous. J'ai pensé à mes enfants morts avant moi et je me suis demandé, comme mille fois auparavant, pourquoi le Seigneur ne se lassait pas de me voir traîner ainsi ma carcasse d'un matin à l'autre. J'ai fermé les deux derniers boutons de ma robe et j'ai commencé ma journée, semblable à toutes les autres. Je suis descendue de ma chambre avec lenteur parce que mes foutues jambes sont aussi raides que du vieux bois, je suis sortie sur le perron et j'ai marché jusqu'à l'arrêt du bus. Moi, Josephine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans, je prends le bus tous les matins et il faudrait une fièvre des marais, une de celles qui vous tordent le ventre et vous font suer jusque dans les plis des fesses, pour m'empêcher de le faire. Je monte d'abord dans celui qui va jusqu'à Canal Street, le bus miteux qui traverse le Lower Ninth Ward, ce quartier où nous nous entassons depuis tant d'années dans des maisons construites avec quatre planches de bois, je monte dans ce bus de rouille et de misère, parce que c'est le seul qui prenne les nègres que nous sommes aux mains usées et au regard fatigué pour les emmener au centre-ville, je monte dans ce bus dont la boîte de vitesses fait un bruit de casserole mais j'en descends le plus vite possible, six stations plus loin. Je pourrais aller jusqu'à Canal Street mais je ne veux pas traverser les beaux quartiers dans ce taudis-là. Je descends dès que les petites baraques du Lower Ninth laissent place aux maisons à deux étages du centre, avec balcon et jardin, je m'arrête et j'attends l'autre bus, celui des rupins. C'est pour être dans celui-là que je me lève le matin. C'est dans celui-là que je veux faire le tour de la ville, un bus de Blancs qui me dévisagent quand je monte parce qu'ils voient tout de suite que je suis du Lower Ninth, c'est celui-là que je veux et si je me lève si tôt, c'est que je veux qu'il soit bondé parce que, lorsque je monte, cela me plaît d'avoir devant moi, en une double rangée un peu blafarde, tous ceux qui vont s'épuiser au travail. Je m'assois. Et je le fais toujours avec un sourire d'aise, n'en déplaise aux jeunes qui me regardent en se demandant quel besoin a une vieille carne dans mon genre de prendre le bus si tôt, encore qu'il n'en soit pas tant que ça à se demander ce genre de choses car la plupart s'en foutent, comme ils se foutent de tout. Je le fais parce que j'ai gagné le droit de le faire et que je veux mourir en ayant passé plus de jours à l'avant des bus qu'à l'arrière, tête basse, comme un animal honteux. Je le fais et c'est encore meilleur lorsque je tombe sur des vieux Blancs. Alors là, oui, je prends tout mon temps. Car je sais que, même s'ils font mine de rien, ils ne peuvent s'empêcher de penser qu'il fut un temps, pas si lointain, où mon odeur de négresse ne pouvait pas les importuner si tôt le matin, et j'y pense moi aussi - si bien que nous sommes unis, d'une pensée commune, même si chacun fait bien attention de ne rien laisser paraître, nous sommes unis, ou plutôt face à face - et je gagne, chaque fois. Je m'assois le plus près de là où ils sont, en posant mes fesses sur un morceau de leur veste si possible pour qu'ils soient obligés de tirer dessus et que leur mécontentement croisse encore. Jamais aucun de ces vieux Blancs ne m'a laissé sa place lorsqu'il est arrivé que le bus soit plein. Une fois seulement, alors que j'avançais dans la travée centrale, un homme m'a souri, s'est déplacé pour aller côté fenêtre et m'a fait signe de m'installer à côté de lui, sur la place qu'il libérait. "Tu n'as pas peur des vieilles vaches noires, fils ?" j'ai lancé, pour rire. Il m'a répondu en souriant : "Nous nous sommes battus pour cela." C'est depuis ce jour que lorsque j'ai besoin d'un clou, ou d'une ampoule - ce qui n'arrive pas si souvent -, je traverse la ville pour aller chez Roston and Sons, le quincaillier. Car ce jeune blanc-bec est le cadet du vieux Roston et je me fous que le clou soit plus cher qu'ailleurs, j'y vais au nom des vieilles luttes et du goût savoureux de la victoire.
photo : AP
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Commentaires
Rien qu'à lire les premières lignes ça me donne envie...je vais l'ajouter à ma liste mais je ne le lirai pas tout de suite car j'en ai encore une pile incroyable en attente...
Merci , bisous.
Je l'ai vu au salon du livre l'an dernier, à Paris nananère .... C'est un auteur qui ne m'attire pas, sauf avec ce dernier titre. Je vais en profiter pour faire sa connaissance
wouahhh la chance !!!! tout le contraire, moi il m'attire comme un aimant, je l'adore !!! tu me diras hein ?!
mais je t'en prie !!! des nouvelles à ton problème ! j'espère qu'il y aura de la lumière au bout du tunnel c'est vraiment moche cette histoire de plagiat !
bises !!!
pile ou face, il faut choisir !!! ouais, je sais c'est nulle ce que je dis...un p'tit jeu de mot qui vole pas haut...de la pile !!! ouais OK j'arrête mes conneries à 2 € !
merci de ton passage !!! j'ai du mal à suivre le rythme tellement de copinautes à visiter, j'en oublie au passage, oups !!!
Je vais certainement me l'offrir car c'est un sujet qui me touche et qui m'a révolté.
Je te souhaite une douce nuit ma toute belle.
Ben nous nous avons rencontré quand même un auteur... Neil Gaiman celui qui écrit le livre Coraline.... Qui a ensuite donné le film....
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Neil Gaiman je le connais surtout grace à sa femme.....
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Je note le titre de ton dernier roman, hum, ça m'a l'air super à lire, merci de cette belle découverte. le soleil des Scorta est déjà dans ma PAL et je l'ajoute à mes romans à lire de toute urgence !!!!!
Bisous
Oui, c'est vraiment un livre superbe (quel talent...) Maintenant plus qu'à faire le billet...
29Bleue-FarandoleJeudi 5 Septembre 2013 à 23:40Sombre humanité! Mon prochain billet sera aussi sur un livre! Belle semaine ma Voyelle et merci d'être passée! Des bisous en pluie!
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Je viens de le lire!!!! EXTRA, même enthousiasme que toi!
Comme j'ai fait un billet pour jeudi, du coup j'ai fait un lien jusqu'au tien!
Belle journée!!!